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Jean-Philippe Daguerre : un touche-à-tout talentueux

CULTURE


On doit à Jean-Philippe Daguerre, auteur, comédien et metteur en scène, Adieu Monsieur Haffmann, une pièce d’une intensité magistrale. Après l'avoir découverte le dimanche 9 mai sur le site de la Ville, rencontre avec un homme passionnant.


LGC Infos : Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

Jean-Philippe Daguerre : Je n’étais pas vraiment fait pour les études et au moment d’envisager l’avenir, je me suis dit que je n’avais pas énormément de choix dans les talents que je pouvais avoir (rires). En revanche, je sentais que comme comédien, j’avais un petit talent, suffisant en tout cas pour essayer de devenir acteur. Ce que j’ai été dès l’âge de 19 ans. Après, mon parcours devient un peu plus atypique puisque pendant plus de 10 ans, j’ai mené de front une double carrière : celle d’acteur et de chanteur pour Les Facéties, le groupe de rock auquel j’appartenais. J’ai fini par réunir mes deux passions, celle de la scène rock et du théâtre, en devenant metteur en scène et en proposant beaucoup de spectacles qui mélangeaient musique et jeu. J’ai ensuite rencontré Charlotte Matzneff, qui est devenue ma femme, et qui avait fondé Le Grenier de Baboucka. En épousant Charlotte, j’ai épousé sa compagnie, que nous avons ensuite développée ensemble. Nous avons créé énormément de spectacles, notamment les grands classiques de Molière, Corneille, Edmond Rostand. J’ai ensuite voulu m’essayer à l’écriture et je me suis autorisé à tenter un nouveau défi, celui d’auteur de théâtre. De là est née la pièce Adieu Monsieur Haffmann. Quatre autres pièces ont ensuite suivi.

LGC Infos : Vous êtes un intime du théâtre pour y exercer plusieurs rôles : celui de comédien, d’auteur et de metteur en scène. Lequel de ces rôles vous apporte le plus de satisfaction ?

Jean-Philippe Daguerre : Le rôle qui me procure le plaisir absolu, c’est celui de comédien. Pour moi, il n’est pas possible d’avoir plus de plaisir qu’en jouant : on continue à être des enfants, on se déguise, on fait rire ou pleurer les spectateurs, quel bonheur ! Être sur scène est un moment jubilatoire qui n’a pas de prix ! Le plaisir de la fierté se situe plus dans la mise en scène. Comme un chef d’entreprise, on fait le choix du texte, des comédiens, on est en lien avec la production, les spectateurs. On est le garant de la réussite d’un spectacle et du plaisir du public et des comédiens : quelle satisfaction ! Enfin, le rôle d’auteur est un plaisir très intime qui permet d’accoucher de plein de choses qu’on n’ose pas forcément utiliser dans sa vie, grâce aux personnages qu’on crée. Ça me fait énormément de bien d’écrire : ça me libère sur un plan émotionnel et ça me nettoie l’esprit.

LGC Infos : Vous avez mis en scène de nombreux classiques, appréciés par un public familial. Est-ce une satisfaction de faire venir et revenir le jeune public au Théâtre ?

Jean-Philippe Daguerre : Ce dont je suis le plus fier, au-delà du succès et des récompenses, c’est d’avoir réussi, depuis toutes ces années, à faire venir au théâtre des enfants, des parents, des grands-parents, des familles entières. Nous sommes dans un métier de transmission indispensable pour donner envie aux jeunes d’aujourd’hui de continuer à aller au théâtre dans quelques années. On forme les spectateurs de demain, mais aussi des passions d’artistes en devenir. Si on ne joue pas pour les jeunes, ils n’iront pas au Théâtre. Et s’ils ne vont pas au Théâtre, cet art disparaîtra : c’est donc quelque chose d’indispensable, de nécessaire et source de tant d’émotions. 

LGC Infos : Nous diffusons Adieu Monsieur Haffmann le 9 mai sur le site de la Ville (voir l’encadré ci-dessous, ndlr). Pourquoi cette histoire ?

Jean-Philippe Daguerre : Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, je n’ai pas voulu faire un sujet sur l’étoile jaune ni sur la période de l’Occupation. J’ai davantage voulu montrer comment un brave homme, à l’humanité très forte, peut tout à coup aller vers le pire en raison de circonstances de la vie. J’ai aussi voulu montrer jusqu’où on peut aller quand on désire un enfant à tout prix. C’est une petite histoire dans la grande histoire de France. Une France occupée, avec des dilemmes, des horreurs, des choix à faire et un juste dosage entre le courage et la peur. 

LGC Infos : Adieu Monsieur Haffmann a été récompensée par 4 Molières en 2018. Que ressent-on face à la reconnaissance de la profession ?

Jean-Philippe Daguerre : Une grande fierté, un souvenir magnifique et précieux. Et une euphorie qui a duré 24 heures avant de revenir très vite à la réalité de la vie (rires). J’ai tout à fait conscience que le succès est éphémère, que tout se démode au théâtre et que je n’échapperai pas à la règle. C’est peut-être pour cette raison qu’à partir de là, j’ai décidé de vivre comme si je n’avais jamais eu de Molières : je m’oblige à toujours travailler, à ne jamais me reposer sur mes lauriers. Après, je mesure parfaitement l’importance que cela a eu pour ma carrière, même si j’étais déjà très équilibré dans ma vie artistique grâce au Grenier de Babouchka.

LGC Infos : Adieu Monsieur Haffmann sortira en film (sortie prévue le 12 janvier 2022, ndlr). Est-ce une consécration de voir sa pièce adaptée au cinéma ?

Jean-Philippe Daguerre : J’ai vu le film et il est formidable. C’est une libre adaptation de Fred Cavayé, qui est parti de la même histoire et a fait ensuite son propre cheminement. Je suis très heureux de voir que de ma pièce, sort un film aussi beau. C’est un plus, c’est sûr, mais ce n’est pas une consécration, et je le dis en toute amitié. Je fais partie de ces gens qui militent pour arrêter de complexer vis-à-vis du cinéma. Je considère que le théâtre est un art qui est encore au-dessus : c’est quelque chose de tellement extraordinaire, un moment unique à chaque fois, même si j’aime énormément le cinéma. En fait, la vraie consécration, c’est de réussir à faire ce métier le plus longtemps possible en ayant des gens qui sont heureux de venir voir vos pièces.

LGC Infos : Nous vous retrouverons, lors de la saison 2021/2022, avec 5 pièces (à l’écriture, à la mise en scène et à l’adaptation). Vous êtes un boulimique de travail ?

Jean-Philippe Daguerre : Je suis un boulimique de travail et La Garenne-Colombes est boulimique de mes spectacles (rires). Je pense que c’est la seule ville en France où mes spectacles ont été, sont et seront joués. C’est un partenariat très fort et fidèle, aussi bien avec Monsieur Juvin qu’avec ses équipes. Par ailleurs, c’est vrai qu’avec ma femme, on a toujours besoin de se projeter dans de nouveaux projets : on se donne des défis en permanence !


Publié le 3 mai 2021

La pièce Adieu Monsieur Haffmann a été diffusée dimanche 9 mai, à partir de 17 heures, sur le site internet de la Ville : www.lagarennecolombes.fr